CONFORMITÉ RH
Quel agenda RH pour 2022 dans le secteur public ?
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Les grandes tendances qui ont façonné l’agenda RH de 2021 dans le secteur public – mise en œuvre de la loi de transformation et gestion de la pandémie – vont continuer à faire sentir leur influence en 2022. La loi du 6 août 2019, en effet, va rythmer l’actualité des gestionnaires RH du public, autour des grands thèmes que sont la protection sociale complémentaire, la formation, le recrutement, la négociation collective. La crise sanitaire, dans le même temps, continue à transformer l’organisation du travail. Enfin, avec l’entrée en DSN des dernières collectivités et administrations, le 1er janvier 2022 marque la fin d’un long cycle de transition ; désormais, les transformations RH se déploient sur un fond de déclaratif unifié. Les élections professionnelles et la mise en œuvre de la base de données unique concluront cette année riche pour les RH du secteur public.
La loi de transformation de la fonction publique continue à se déployer
Votée en août 2019, la loi de transformation de la fonction publique n’a pas encore fini de déployer l’intégralité de ses mesures. Nous aurons l’occasion d’y revenir cette année, mais nous pouvons déjà faire l’inventaire des domaines dans lesquels la loi aura des conséquences en matière de gestion des RH.
Une quarantaine de décrets d’application sont déjà parus, sans compter les arrêtés. Une douzaine d’articles de la loi requièrent encore des textes réglementaires. S’y ajoutent les décrets attendus dans le cadre des ordonnances prises suite à la loi (portant notamment sur le code général de la fonction publique, la protection sociale complémentaire, la formation des agents, le recrutement des agents de catégorie A, la négociation collective). Nous reviendrons plus tard dans l’année sur le bilan provisoire de la loi de transformation de la fonction publique, mais nous listons déjà ici les principaux chantiers qu’elle recèle encore pour 2022.
Un Code général de la fonction publique
En application de l’article 55 de la loi et de l’ordonnance du 24 novembre 2021, la fonction publique, à partir du 1er mars 2022, disposera de son propre Code général de la fonction publique, commun aux trois versants. La codification s’est faite à droit constant et cela ne change rien au cadre légal et réglementaire. Mais pour les services RH et juridiques, c’est une nouveauté de taille ! Les 4 lois statutaires sont désormais réunies en un seul texte, avec d’autres textes plus récents et mis en cohérence. Dans un premier temps, les praticiens du droit de la fonction publique vont devoir retrouver leurs repères. À terme, c’est une très bonne nouvelle, qui va rendre le droit plus clair et plus accessible, en conférant aux employeurs et agents du secteur public leur propre code du Travail.
On remarque cependant que le système de retraite n’est pas intégré à l’ensemble (comme il ne l’est pas non plus au code du Travail, de fait), mais reste codifié dans le code des Pensions civiles et militaires. Jusqu’à la prochaine réforme des retraites, peut-être ?
La partie législative du code général de la fonction publique est déjà accessible sur Légifrance. Elle entrera en vigueur le 1er mars 2022. La partie réglementaire, qui va demander un travail considérable, est prévue pour 2023.
La protection sociale complémentaire
Avec son article 40, la loi de transformation d’août 2019 s’attaquait à une question récurrente : la prise en charge de la complémentaire santé par l’employeur. Sans trancher, la loi renvoyait à une ordonnance, prise le 17 février 2021. Celle-ci instaure le principe d’une prise en charge à hauteur de 50 % d’un panier minimum de garanties (ou d’un montant fixé par décret pour la FPT). Mais l’entrée en vigueur de cette obligation est repoussée à 2024 pour la fonction publique d’État et à 2026 pour les fonctions publiques territoriale et hospitalière.
La fonction publique d’État a cependant l’obligation de mettre en place une prise en charge partielle de la complémentaire santé dès le 1er janvier 2022. Un décret du 8 septembre 2021 en a fixé le montant à 15 € par mois. Pour les autres fonctions publiques, il n’y a pas d’obligation au 1er janvier 2022, et les décrets d’application sont en attente. Une réunion du CSFPT doit se tenir le 19 janvier sur ce sujet pour lequel les positions des employeurs et des syndicats peinent à converger.
La création des conseils médicaux
Les comités médicaux et les commissions de réforme vont fusionner au 1er février 2022, pour donner naissance aux conseils médicaux, en application de l’ordonnance du 25 novembre 2020, également issue de l’article 40 de la loi de transformation.
La négociation collective
Une autre ordonnance, également du 17 février 2021, est venue concrétiser la promesse de l’article 14 de la loi en créant les conditions d’une négociation collective accrue dans les fonctions publiques, avec des mécanismes permettant d’aboutir à des textes à portée juridique. Un décret du 7 juillet 2021 est venu préciser les modalités pratiques de ces négociations. Le nouveau cadre du dialogue social dans le secteur public est d’ores et déjà en place, et 2022 sera l’occasion de l’expérimenter concrètement.
Mesures sur la formation
L’article 59 de la loi contient des mesures un peu hétéroclites en matière de formation et de recrutement, visant des publics précis. Au moins trois des ordonnances attendues ont déjà été publiées :
- Sur la formation des agents de catégorie C, des agents handicapés ou victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles : il s’agit de renforcer leurs droits à formation. Une ordonnance du 26 mai 2021 précise les modalités, un décret est attendu.
- Sur la formation des agents des fonctions supérieures de l’État, une ordonnance du 2 juin 2021 crée notamment l’institut national du service public.
- Une ordonnance du 3 mars 2021 ouvre à titre expérimental certaines écoles de la fonction publique (dont l’ENA) aux concours externes.
A priori, l’article 59 n’a pas encore épuisé ses possibilités d’application.
Autres mesures RH
D’autres aspects de la loi de transformation vont produire leurs effets en 2022. Citons principalement :
- La mise en place de la base de données sociales, qui doit être achevée le 31 décembre 2022. Pour la base de données, comme pour le rapport social unique (RSU), l’arrêté concernant la fonction publique territoriale est toujours attendu.
- Pour les agents non contractuels, un décret du 10 décembre 2021, pris en application de la loi de transformation, révise la composition des commissions consultatives paritaires (CCP) et supprime les conseils de discipline de recours. Cela impactera notamment le renouvellement des CCP à la fin de 2022.
Un agenda bouleversé par les mesures conjoncturelles
Depuis le début de la pandémie, il est devenu particulièrement difficile de prévoir l’agenda RH de l’année à venir, tant la situation est instable. Comme 2021, l’année 2022 commence à nouveau sous le signe de l’exception et des mesures d’urgence. On ne peut pas exclure que le phénomène se poursuive tout au long de l’année, avec pour corollaire l’obligation, pour les gestionnaires RH, de s’adapter rapidement.
Le télétravail
Le sujet du télétravail est emblématique d’un certain carambolage des calendriers. En effet, la réforme du travail à distance, avec la recherche d’une convergence avec le privé, était déjà à l’ordre du jour avant la crise sanitaire. Celle-ci, cependant, est venue bouleverser la chronologie et les enjeux du débat, en démontrant par l’exemple que le télétravail était à la fois plus praticable et plus complexe qu’on ne le pensait. Il en est résulté l’accord du 13 juillet 2021 et à la suite de celui-ci, un décret pris le 21 décembre a introduit les modifications qui le nécessitaient (dérogation pour les femmes enceintes et pour les aidants sans avis médical préalable).
Mais les circonstances ont surtout déjà montré que la procédure exceptionnelle prévue par l’accord (dérogation à la règle des 3 jours « lorsqu'une autorisation temporaire de télétravail a été demandée et accordée en raison d'une situation exceptionnelle perturbant l'accès au service ou le travail sur site ») pouvait être mise en œuvre rapidement, comme en témoigne la circulaire du 29 décembre consécutive aux annonces des autorités en matière de télétravail.
L’année 2022 se déroulera donc dans ce nouveau contexte réglementaire. Il serait surprenant que le rapport au télétravail n’évolue pas avec ces expériences.
Passe sanitaire et passe vaccinal
Le passe sanitaire, qui pourrait devenir passe vaccinal, pose des questions d’ordre RH : quand et comment contrôler le statut vaccinal des agents ? Quelles conséquences en cas de non-conformité ? Quelles mesures d’isolement en cas de contamination ou de contact ? Dans quel cas faut-il suspendre le contrat des agents ? Comment traduire ces suspensions en paie ? Et comment gérer humainement ces situations ?
Cette année encore, les services RH des employeurs publics, comme ceux du privé, auront fort à faire pour appliquer les règles au fil de leur évolution, tout en maintenant la cohésion des équipes.
L’indemnité Inflation de 100 €
La conjoncture, ce n’est pas seulement la pandémie. Les mesures annoncées en décembre pour compenser l’inflation, qui a fait son retour en 2021, doivent être mises en œuvre par les systèmes de paie, parfois en plein passage en DSN. Dès janvier, en effet, les gestionnaires publics doivent mettre en œuvre l’indemnité inflation – Aide exceptionnelle de l’état de 100 € prévue par la loi de finances rectificative pour 2021 du 1er décembre 2021 et le décret du 13 décembre 2021. Avec tous les problèmes d’identification des agents concernés que cela peut poser.
Carrières
Le début de l’année 2022 est également marqué par l’entrée en vigueur de mesures visant le pouvoir d’achat et la gestion des carrières des agents.
Ségur de la santé : convergence des cadres d’emploi
Lancé en juillet 2020, le Ségur de la santé, qui vise notamment à revaloriser les rémunérations et les carrières des soignants, continue à déployer ses conséquences, notamment en matière de RH. Dernier événement en date : une série de décrets datés des 28 et 29 décembre 2021 refond les cadres d’emploi de la filière médico-sociale de la fonction publique territoriale. Carrière, échelonnement indiciaire, mode de recrutement… l'impact RH est important pour les employeurs et les fonctionnaires concernés.
Carrières des fonctionnaires de catégorie C
Deux décrets du 24 décembre 2021 modifient les grilles indiciaires, les règles de nomination, de reclassement et d’avancement des fonctionnaires territoriaux de catégorie C. Ceux-ci bénéficient en outre d’une bonification d’ancienneté d’une année. Ces mesures, avec leurs conséquences notamment en matière d’accès à la catégorie B, vont impacter la gestion RH des employeurs territoriaux et des centres de gestion.
Augmentation du minimum de traitement
Autre mesure applicable au 1er janvier 2022 : le traitement minimal de la fonction publique passe de l’indice majoré 340 à l’indice majoré 343, au 1er janvier 2022, pour le porter au niveau du Smic. Une augmentation similaire avait eu lieu le 1er octobre 2021. Si l’inflation se poursuit, on peut s’attendre à de nouvelles mesures de ce type. A noter que les modalités de revalorisation (via le changement d’indice) changent : on ne recourt plus à des primes différentielles.
Mise en place du référent Laïcité
Suite à la loi dite « confortant le respect des principes de la République » du 24 août 2021 (médiatiquement appelée « loi contre le séparatisme »), un référent Laïcité est nommé dans chaque administration, collectivité, établissement public. Un décret du 23 décembre 2021 en précise les modalités de nomination et les missions. 2022 sera l’année de la mise en œuvre de cette mesure. Une des fonctions du référent sera d’organiser la journée de la laïcité le 9 décembre.
DSN
2022 marque la fin de la transition vers la DSN, avec l’entrée dans le dispositif de toutes les structures publiques qui n’y étaient pas encore : établissements publics de moins de 400 agents, établissements communaux de moins de 350 agents, communes de moins de 100 agents, hôpitaux publics et établissements médico-sociaux de moins de 1 500 agents, ….
Tous les employeurs publics partagent désormais les mêmes modalités déclaratives, et vont parler un langage de paie unifié.
Retraite
2022 pourrait également voir la relance de la réforme des retraites, dans l’hypothèse d’une victoire de l’actuelle majorité aux élections du printemps. Les employeurs et leurs gestionnaires RH seront alors vraisemblablement confrontés à une intensification des concertations et des mouvements sociaux. Le texte en débat à l’Assemblée, tel qu’il a été arrêté au moment de la suspension de son examen en mars 2020, suscitait des mécontentements et des inquiétudes au sein des syndicats de la fonction publique, qui ne manqueront pas de s’exprimer à nouveau.
Médiation préalable obligatoire
Cette année verra également la généralisation de la médiation préalable obligatoire. La contestation par l’agent des décisions RH qui le concernent (rémunération, carrière, formation, aménagement des conditions de travail) devra désormais emprunter obligatoirement le chemin de la médiation avant toute saisine du juge administratif. Cette procédure, expérimentée depuis 2016 sur certains territoires, a été généralisée par la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire. Celle-ci devra faire l’objet de textes d’application attendus au premier trimestre. En attendant, le Conseil d’Etat a précisé les mesures d’application transitoire.
Élections professionnelles
Un jalon est d’ores et déjà fixé à la fin de l’année 2022, qui devrait influer notablement sur le dialogue social au cours des mois qui nous en séparent : les élections professionnelles se tiendront le 8 décembre 2022.
Ce scrutin sera marqué par la généralisation du vote électronique dans la fonction publique d’Etat, après les expérimentations de 2014 et 2018. Mais il sera surtout le premier au cours duquel s’appliquera la réforme des instances de représentation contenue dans la loi de transformation d’août 2019.Les agents éliront donc leurs représentants aux comités sociaux, et non plus aux comités techniques et aux CHSCT. Les commissions administratives paritaires (CAP) demeurent, mais avec des missions allégées. Un défi logistique, mais aussi RH pour les employeurs publics désireux de dynamiser leur dialogue social.
L’année 2022 s’annonce donc, encore une fois, riche en événements RH structurants, qui viendront s’ajouter aux problématiques propres à chaque collectivité, administration ou établissement. Avec un premier semestre marqué par les échéances électorales nationales et un second semestre placé vraisemblablement sous le signe des réformes, de la concertation et des élections professionnelles, les gestionnaires RH du secteur public auront à nouveau fort à faire. Nous leur souhaitons tout le courage nécessaire, et nos meilleurs vœux de réussite !