Quand l’IA s’invite à la table des DRH : vers un futur du travail plus humain, connecté et inspiré

DeVéronique Montamat, Aline Scouarnec
23 septembre 2025

Vers une DRH « démultipliée », transformée et transformante.

 

Le contexte de transformation du monde, du monde du travail et du monde des affaires, invite à faire de la veille, à anticiper pour mieux éclairer les décisions stratégiques et leurs déclinaisons opérationnelles. La période que nous vivons, faite de surprises et de crises inédites, de nature géostratégique, technologique, sociale, environnementale, etc. ne doit pas être un frein à l’attitude prospective. Bien au contraire, elle l’impose et la nourrit. C’est chemin faisant que l’éclairage prospectif aide à la décision. La prospective ne consiste pas à prédire l’avenir mais aide à le construire, la prospective est tout sauf déterministe. Donc, en situation d’incertitude et de complexité, elle est un guide. Elle permet de rompre avec les schémas classiques dépassés, elle autorise à penser autrement. Elle est inspirante, facilite les transformations, en cela, elle permet d’oser : oser transformer, innover, faire autrement, décélérer, s’adapter, se métamorphoser…

 

 

Pour repenser les stratégies et les pratiques en contexte de transformation, l’incitation à l’attitude prospective devient une urgence pour éclairer le management en général et les DRH en particulier. Partant d’un exercice prospectif sur le devenir des métiers RH (Brillet F., Scouarnec A. 2025), enrichi par les travaux du groupe de travail Think Infinity, nous pensons que si l’IA s’invite à la table des DRH, c’est pour viser une DRH démultipliée, à la fois transformée et transformante.

 

Détaillons chacun de ces mondes afin d’envisager ce que pourrait être une DRH « démultipliée », transformée et transformante.

 

Le monde du travail inspiré

 

Si l’inspiration est vitale, c’est parce qu’elle correspond, physiologiquement parlant à l’action qui consiste à faire entrer de l’air dans les poumons. Elle correspond également à une affluence d’idées stimulant l’imagination et la créativité. Transposée au monde des organisations, cette action d’inspirer, d’imaginer, de créer apparait stratégique. Le leader inspirant est en effet visionnaire, il sait anticiper le futur. Il est également fédérateur, il sait « embarquer » ses équipes en les valorisant, en misant sur leur potentiel et en favorisant les dynamiques collectives. Appliqué au monde du travail, l’inspiration intègrerait trois dimensions que sont la vision, l’innovation et la transformation.

Le monde inspiré est un monde dans lequel les parties prenantes sont en capacité d’adopter une posture de veille prospective afin de leur permettre d’anticiper au mieux les tendances, ruptures et signaux faibles du monde des affaires, d’avoir une vision globale et systémique de leur écosystème et de favoriser des postures dynamiques de transformation, tant au niveau du business que des personnes.

 

Alors, si l’IA s’invite à la table des DRH dans un monde du travail inspiré, c’est pour être au service de la vision stratégique, autrement.

 

L’IA au service de la vision stratégique

 

Dans un monde du travail inspiré, les Directions des Ressources Humaines mettent l’IA au service de la vision stratégique pour éclairer autrement. L’intégration des technologies les plus avancées permet d’enrichir le champ des possibles, « d’augmenter » le potentiel des équipes RH. Les exercices prospectifs, la veille informationnelle sur les tendances liées au business, au marché du travail, aux caractéristiques des bassins d’emplois… sont facilités par l’IA. L’un des atouts majeurs de cette technologie est sa capacité à analyser des volumes massifs de données, y compris les données en open-data mises à disposition par les organismes publics.

 

Cette ouverture enrichit la connaissance de l’écosystème de l’entreprise en combinant des données internes avec des sources externes et élargit le champ de vision des dirigeants.

 

De plus, en analysant des données sur les aspirations des collaborateurs, l’IA aide à anticiper les mouvements de talents, les risques de turnover ou les besoins de formation.

 

Ces technologies accompagnent la réflexion stratégique. L’accès à de nombreuses données et à leurs croisements redessinent la façon de concevoir le Strategic Work Force Planning avec une vision prédictive. Elles accompagnent les organisations en éclairant de nouvelles manières de collaborer et de structurer l’entreprise. La vision sur les futurs possibles des métiers, des compétences permet de mieux accompagner les transformations. En s’intégrant dans un réseau de données sans frontière et globales, l’IA transforme les entreprises en acteurs proactifs, capables de s’adapter aux changements de leur environnement.

 

Loin d’être un simple outil technique, l’IA devient un partenaire stratégique, capable de transformer les données en une source de vision et de décisions éclairées, pour construire l’avenir des organisations.

 

Le monde du travail relié

 

Un monde relié favoriserait la « reliance », autrement dit cette capacité à être relié, connecté et ainsi favoriser les échanges. Comme le précisait déjà Edgar Morin en 2004, la notion de « reliance » correspond à la nécessité « pour tous et pour chacun, pour la survie de l’humanité, de reconnaître la nécessité de relier, de se relier aux nôtres, de se relier aux autres, de se relier à la Terre-Patrie ».

 

Par monde relié, nous entendons donc un monde où le développement des technologies serait un facilitateur de connexions entre les personnes. Le développement des relations interpersonnelles serait aussi bien « augmenté » par des outils sans cesse plus innovants et fluides que par une volonté affichée des acteurs de vouloir favoriser le collectif et se retrouver au sein de communautés de métiers, de pratiques, d’échanges, etc. Il y aurait ainsi deux dimensions majeures dans ce monde relié : la dimension technologique liée à la transition numérique et à la maîtrise de l’IA et la dimension de renouveau relationnel valorisant les collectifs de travail et la coopération et ainsi que la co-construction.

 

Alors, si l’IA s’invite à la table des DRH dans un monde du travail relié, c’est pour servir le collectif, autrement.

 

L’IA au service du collectif

 

Dans un monde du travail relié, les Directions des Ressources Humaines mettent l’IA au service du collectif. Dans ce contexte, l’IA ne vise pas la déshumanisation des relations de travail. Elle joue plutôt un rôle de mise en relation facilitée.

 

L’IA se présente comme un allié précieux pour renforcer le collectif au sein des organisations.

 

L’IA offre des outils qui transforment le numérique en un espace propice à la coopération et à l’interconnexion. Que ce soit via des plateformes collaboratives intelligentes ou des réseaux sociaux internes, elle permet d’identifier des points communs entre collaborateurs en analysant leurs centres d’intérêts professionnels et personnels, favorisant ainsi des interactions naturelles et enrichissantes. Elle peut recommander des groupes, projets ou événements en fonction des compétences et des aspirations de chacun, encourageant l’implication active dans le collectif, ou encore animer des collectifs de manière dynamique grâce à des suggestions personnalisées de contenus, discussions ou opportunités de collaboration.

 

Grâce à ses capacités d’analyse, de personnalisation et d’animation, l’IA favorise la coopération, stimule la création de communautés et incite les collaborateurs à tisser des liens durables.

 

Au niveau professionnel, ces communautés rassemblent des talents autour de projets communs ou de domaines d’expertise, renforçant l’innovation et la coopération interdisciplinaire.

 

Avec l’évolution des modes d’organisation, de la pratique du télétravail, les horaires et lieux de présence des collaborateurs sont difficilement connus au sein d’une communauté. Dans ce contexte, l’IA peut aider à fédérer des rencontres « dans le réel » si précieuses dans ce monde virtuel.

 

Sur le plan personnel, elles encouragent des échanges informels et des moments de convivialité autour de hobbies partagés (sport, culture, écologie, etc.), renforçant les liens au-delà du cadre strictement professionnel. Le déploiement de politiques RSE a aussi grandement besoin de créer des collectifs engagés autour de causes sociétales ou environnementales.

 

Ainsi, grâce à l’IA, les organisations peuvent amplifier les pratiques de fédération collective, où chaque individu trouve sa place et contribue activement au succès commun. Cette approche, centrée sur l’humain, construit des collectifs durables et engagés, à la fois moteurs de performance et vecteurs de bien-être.

 

Véronique Montamat
Directrice Marketing et Prospective RH chez Sopra HR
Aline Scouarnec
Professeur des Universités à l'Université de Caen
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