CONFORMITÉ RH

La dématérialisation de la fonction RH dans le secteur public : état des lieux

DeSopra HR Editorial
27 juillet 2020

En 2017, l’Etat lançait sa « feuille de route SIRH 2018-2022 », qui traçait les grandes lignes programmatiques de la digitalisation des RH dans le service public pour cette période. L’une des 6 grandes orientations retenues portait sur la dématérialisation complète des processus et des documents. Un objectif étroitement lié aux 5 autres et dont l’administration soulignait fort justement le potentiel transformateur. A mi-chemin de la période couverte par ce programme, où en est-on sur le terrain ? Comment évoluent les usages ? Quelles sont les prochaines étapes ? Faisons le point sur cette question centrale pour la vie des agents et l’efficacité des services publics.

 

Dématérialisation : du citoyen à l’agent

Une partie du back office RH des administrations est déjà dématérialisée depuis longtemps : le traitement de la paie, en particulier, utilise des processus informatisés depuis des décennies. A la fin des années 1990, cependant, au moment de l’essor d’Internet, la relation avec le citoyen devient une priorité en matière d’application des technologies digitales. A l’époque, on parle de l’ « administration électronique ».

La circulaire du 16 septembre 1996 relative à la mise en place des schémas directeurs ministériels des systèmes d’information et des télécommunications fixe déjà comme objectif commun à tous les départements et services « l’amélioration de la qualité et de l’efficacité du service public » et la « simplification des relations avec les usagers. » C’est cette philosophie qui préside dès 1998 au lancement du Pagsi, le programme d’action gouvernemental pour la société de l’information, puis à la création par arrêté du 6 novembre 2000 du portail service-public.fr. Au départ, il s’agit surtout de mettre à disposition de l’information en ligne et de répondre aux courriels des administrés. Mais dès 2000, il était possible de déclarer ses revenus en ligne.

Très schématiquement, on pourrait dire que si la décennie 2000, en matière de dématérialisation, a été celle du service au citoyen, la décennie 2010 aura été celle des processus internes, et notamment des processus RH : le dossier individuel de l’agent, le bulletin de paie, la DSN… Bien sûr, les deux aspects – service au citoyen et RH – ont toujours progressé de pair, mais les priorités affichées ont évolué.

De fait, la même chronologie se vérifie dans le privé. En dehors des activités comme la paie et la comptabilité qui étaient déjà largement informatisées avant la révolution digitale des années 1990, les premières fonctions de l’entreprise à bénéficier de cette dernière dans les années 2000 ont été les fonctions les plus tournées vers l’extérieur : marketing, communication, vente à distance… Puis les années 2010 ont été davantage celles du digital RH.

 

La dématérialisation RH dans le secteur public : les grands chantiers

Comme tout ce qui relève du public, l’évolution des RH dans le secteur est la résultante de deux logiques : nationale et locale. Chaque service, chaque collectivité conduit sa propre politique RH, et dématérialise donc à son propre rythme. Mais cette autonomie relative de la base croise des grands mouvements lancés depuis le sommet. En matière de dématérialisation RH, on peut en citer au moins 4, tous initiés dans les années 2010 (ou peu avant).

  • Le dossier individuel de l’agent

C’est la loi du 3 août 2009 sur la mobilité des fonctionnaires qui ouvre la danse, en ajoutant à l’article 18 de la loi Le Pors la précision que « le dossier du fonctionnaire peut être géré sur support électronique ». Par décret du 15 juin 2011, ce dossier individuel de l’agent public dématérialisé voit officiellement le jour, l’arrêté du 21 décembre 2012 listant par la suite les pièces qui peuvent y figurer. Bien sûr, son adoption est laissée à l’initiative des autorités administratives ou territoriales concernées, mais celles-ci doivent faire un choix définitif qui les engage pour l’avenir.

La diffusion progressive du dossier individuel dématérialisé facilite à terme la gestion des mobilités, mais aussi la gestion des ressources humaines. L’agent ayant le droit d’accéder au dossier à tout moment, la dématérialisation implique en outre une entrée « utilisateur » dans le système. Une base de données sécurisée, des droits d’accès : toutes les composantes d’un système digitalisé de gestion RH sont contenues en germe dans le dossier individuel dématérialisé.

  • Le bulletin de paie des agents

L’étape suivante est le bulletin de paie électronique. Par décret du 3 août 2016, la fonction publique d’Etat a été convertie tout entière au bulletin de paie dématérialisé, au plus tard au 1er janvier 2020. Même si les fonctions publiques territoriale et hospitalière conservent encore leur liberté à ce point de vue, l’exemple donné par la FPE ne peut pas manquer de préparer la voie. Résultat : le secteur public a pris une incontestable avance en la matière. Selon une enquête, seuls 20% des bulletins de paie (publics et privés) étaient dématérialisés en 2019 en France. La fonction publique d’Etat représentant à peu près 10% des salariés des deux secteurs, on peut estimer qu’au moins la moitié des bulletins électroniques sont des bulletins de fonctionnaires !

  • La DSN

Retour sur le back office, avec cette autre brique de la dématérialisation RH, le déclaratif. Même si l’idée de la DSN remonte aux années 2000, sa mise en œuvre appartient pleinement aux années 2010. Obligatoire dans le privé depuis 2017, la déclaration mensuelle et consolidée de toutes les données sociales par voie électronique ne s’imposera à l’intégralité des employeurs publics qu’en 2022.

La DSN est un sujet à part entière, mais on ne peut pas ne pas la mentionner en parlant de dématérialisation RH. Bien sûr, une part importante des déclarations qui sont ainsi mises en cohérence et unifiées passait déjà par la voie électronique, et il s’agit en grande partie d’une rationalisation. Mais la DSN signifie également que tous les flux sociaux et fiscaux concernant les agents de la fonction publique seront désormais digitalisés et centralisés.

  • Le CPF public

Le Compte Personnel de Formation (CPF) des agents publics n’est pas conçu initialement comme un outil RH : il est l’extension aux fonctionnaires du CPF imaginé en 2014 comme outil d’accès individualisé à la formation pour les salariés. Dans les faits, dans le secteur privé, le CPF est devenu un outil parmi d’autres au service des politiques de formation des entreprises – même si la récente désintermédiation du CPF l’a rendu moins accessible aux DRH.

Dans le secteur public, le CPF, qui n’a remplacé le DIF qu’en 2017, a sans doute davantage de potentiel comme outil RH. L’éventail des formations finançables est plus large : l’action de formation n’a pas besoin d’être certifiante ou qualifiante, il suffit qu’elle s’inscrive dans le projet d’évolution professionnelle. Même si le CPF reste à la main de l’agent, et même si les actions d’adaptation au poste ne sont pas finançables, son existence crée un espace de discussion concret autour des enjeux d’évolution et de compétences entre la DRH et l’agent. On est donc bien dans une démarche de dématérialisation des droits à la formation, avec une portée RH importante.

 

Feuille de route SIRH 2018-2022 : approfondissement et mise en cohérence

Conçue dans le cadre du programme « Action publique 2022 », la feuille de route SIRH 2018-2022 vise à mettre en cohérence l’ensemble des éléments déjà déployés au profit d’une « transformation numérique de la fonction RH » qui contribue « à rénover le cadre des ressources humaines ». Elle se concentre sur la fonction publique d’Etat dans une logique interministérielle. Il s’agit de donner 6 grandes orientations à l’évolution du système de gestion RH de la fonction publique, qui articule des grands projets communs, des plateformes interservices et des initiatives locales.

Parmi ces 6 grandes directions, on compte la nécessité de « dématérialiser complètement les processus et les documents ». « Les capacités des systèmes d’information en termes de dématérialisation constituent un levier essentiel de modernisation », précise la feuille de route. « La dématérialisation permet en effet de faciliter le partage et l’échange d’informations et de documents, d’envisager de nouveaux usages, et amène à revoir les processus et les organisations dans une optique de rationalisation, de simplification, d’enrichissement et d’ouverture des données publiques. »

La feuille de route proprement dite énumère trois préalables à l’atteinte de cet objectif :

  • L’adaptation de la réglementation : il s’agit ici de réduire le nombre de cas où il est encore nécessaire de conserver un original papier, ou encore limiter le recours nécessaire à la signature (papier ou électronique). Sur le premier point, il n’est généralement déjà plus nécessaire de conserver un équivalent papier d’un document créé électroniquement. Et sur le second, la loi pour un Etat au service d’une société de confiance a déjà modifié l’article L212-2 du code des relations entre le public et l’administration pour permettre aux « décisions administratives relatives à la gestion de leurs agents produites par les administrations sous forme électronique » de se dispenser de signature.
  • La dématérialisation de nouveaux documents : la feuille de route prévoyait ici le bulletin de paie électronique généralisé dans la fonction publique d’Etat pour fin 2019 (objectif atteint en 2020) et la dématérialisation généralisée du dossier individuel de l’agent pour 2022. Il est aussi question de prioriser la dématérialisation des « procédures mettant en jeu les compétences », à savoir le recrutement, l’évaluation, la formation… « afin de capter l’information à la source et d’alimenter les SIRH ». On évoque également un service d’archivage en ligne commun permettant à tout agent d’accéder à son dossier tout au long de sa carrière.
  • La non-matérialisation : il s’agit ici à la fois de réduire le nombre de documents nécessaires et d’utiliser le SIRH pour produire des documents papier sur demande, uniquement lorsqu’ils sont utiles. C’est un chantier organisationnel de long terme, qui implique des évolutions réglementaires et une utilisation intelligente des outils SIRH.

 

De l’expérience citoyen à l’expérience agent

Comme on a vu émerger, dans le privé, la notion d’expérience collaborateur sur le modèle de l’expérience client, le service public voit l’expérience agent se construire en miroir de l’expérience usager – qu’on pourrait appeler également expérience citoyen.

  • L’agent, comme le salarié, accepte mal qu’il y ait un décalage entre les usages numériques qu’il connaît dans sa vie privée et ceux qui prévalent dans sa vie professionnelle. Il attend un niveau technologique au moins identique dans la gestion RH et dans ses utilisations personnelles.
  • La symétrie des attentions implique que l’administration traite ses agents comme elle souhaite que ceux-ci traitent les administrés. Or, les agents ont été mobilisés pendant de nombreuses années pour assurer la dématérialisation des relations avec les citoyens, la fluidité et la continuité du service… Par mimétisme, la façon dont les administrations gèrent leurs collaborateurs ne peut qu’avoir un effet bénéfique sur la qualité du service rendu par ceux-ci.

 

De nouvelles pistes d’action RH

Au-delà des grands programmes et au sein de ce mouvement généralisé de la transformation numérique, il y a donc une place pour l’initiative et l’innovation RH au sein des différents employeurs publics. En récapitulant rapidement, ces pistes comprennent :

  • L’interactivité : en paie, en administration, en gestion des temps et des absences, l’agent doit pouvoir accéder au SIRH d’une façon qui optimise à la fois le service qui lui est rendu, l’efficacité des RH et même l’impact environnemental de la gestion.
  • La gestion des parcours : les données personnelles de l’agent, les informations issues des entretiens, les droits liés au CPF sont autant d’éléments qu’il faut pouvoir mettre en relation au sein du système d’information pour optimiser la gestion des compétences, des parcours et des mobilités, tant pour la DRH que pour l’agent.
  • La simplification des procédures : en suivant la logique de « non-matérialisation » suggérée par la feuille de route gouvernementale, il doit être possible de trouver des pistes d’optimisation de l’efficacité RH au sein des services et des collectivités. Des données mieux gérées, plus centralisées, mieux archivées doivent permettre de réduire le nombre de procédures et de documents nécessaires, de manière sécurisée.

Le chantier de la dématérialisation RH n’en est plus à ses débuts, mais il entre dans une phase complexe où se croisent deux mouvements : la généralisation à l’ensemble des agents et des employeurs des pratiques les plus avancées ; et la mise en place de la phase suivante de la dématérialisation, celle où l’on en tire l’ensemble des conséquences organisationnelles, en recherchant toutes les sources d’optimisation consécutives à la récolte et au traitement des données.

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