CONFORMITÉ RH

Les RH dans le secteur public en 2025 : quoi de neuf ?

DeVéronique Tixier
18 mars 2025

C’est chose faite, la France a un budget 2025, avec quelques semaines de retard ! La loi des finances du 14 février 2025 et la loi de financement de la Sécurité sociale du 28 février viennent enfin concrétiser plusieurs changements annoncés à la fin 2024 – notamment la question de l’indemnisation des arrêts maladie. Mais d’autres sujets attendent toujours leurs textes. L’année 2025 verra également la suite de l’exploration de plusieurs pistes d’innovation RH, comme la semaine de 4 jours ou le déploiement de l’IA. Dans un contexte national et international incertain, la fonction publique continue à se transformer.  

 

Le feuilleton des arrêts maladie dans la fonction publique 

On le sait bien désormais : à compter du 1er mars 2025, le maintien de rémunération des agents des 3 versants, pendant les 3 premiers mois de congé maladie ordinaire, passe de 100% à 90% du traitement indiciaire brut.  

 

L’encadrement des arrêts maladie dans la fonction publique fait l’objet de débats récurrents, généralement autour de deux motivations : l’égalité avec le privé d’une part, la réduction de l’absentéisme des fonctionnaires de l’autre. La différence avec les salariés du privé est double : ces derniers sont soumis à 3 jours de carence avant de percevoir des indemnités maladie de la Sécurité sociale, et à 7 jours avant la perception des indemnités complémentaires. Avant 2012, les fonctionnaires n’avaient, eux, aucun jour de carence.  

 

En outre, en application des règles de droit commun, après un an d’ancienneté dans leur entreprise, les salariés du privé perçoivent jusqu’à 90% de leur rémunération pendant un mois, puis les deux tiers pendant une durée dépendante de leur ancienneté. Les fonctionnaires, jusqu’à cette année, bénéficiaient du maintien intégral de leur traitement pendant 3 mois, puis de la moitié pendant 9 mois.  

 

Du jour de carence à la baisse de l’indemnisation 

En 2012, au moment de la première instauration du jour de carence en début d’absence pour maladie non professionnelle pour les fonctionnaires, l’enjeu invoqué était l’égalité avec les salariés du privé. En 2014, le jour de carence dans la fonction publique était supprimé, une étude de l’Insee ayant démontré qu’il n’avait pas d’impact global sur l’absentéisme.  

 

En 2018, le jour de carence faisait son retour pour les fonctionnaires. Depuis, le Sénat a par deux fois tenté de porter ce nombre à 3, comme dans le privé : fin 2019 et fin 2023. La question a été de nouveau soulevée fin 2024 dans le cadre du débat sur la loi des finances pour 2025, couplée à une diminution de 10% de l’indemnisation dans les 3 premiers mois.  

 

Le suspense aura duré jusqu’en janvier. En définitive, l’option d’allonger la durée de carence est abandonnée, mais la diminution de l’indemnisation à 90% du traitement brut pendant les 3 premiers mois est bien maintenue.  

 

La baisse de l’indemnisation et sa mise en œuvre  

Depuis le 1er mars 2025, le congé maladie ordinaire des agents des 3 fonctions publiques, qui depuis (au moins) les lois fondatrices des années 1980 était indemnisé à hauteur de 100% du traitement brut indiciaire pendant les 3 premiers mois, est donc passé à 90% (hors accident du travail et maladie professionnelle). Le supplément familial et l’indemnité de résidence restent à 100%, mais les primes et la nouvelle bonification indiciaire passent bien à 90%. A noter que pour les contractuels, la prime de résidence est versée à 90%.  

 

La baisse du plafond des indemnités journalières 

Rappelons que les agents contractuels ayant moins de 4 mois d’ancienneté ne perçoivent pendant leur arrêt maladie, s’ils remplissent les conditions, que les seules IJSS. Pour les agents contractuels ayant plus de 4 mois d’ancienneté, les IJSS sont en pratique versées à l’administration ou à la collectivité et viennent ainsi réduire, voire annuler, le montant déboursé par celle-ci.  

 

Or, jusque récemment, les IJSS étaient calculées sur la base du salaire brut des 3 derniers mois, plafonné à 1,8 Smic. Ce plafond vient d’être réduit à 1,4 Smic par un décret du 20 février 2025. Le changement s’applique aux arrêts de travail déclarés à compter du 1eravril 2025. 

 

Avec toutes ces mesures, le poste financier « congé maladie » va donc baisser d’un côté (le passage de 100% à 90% de maintien du traitement les 3 premiers mois), mais aussi légèrement augmenter de l’autre (le complément d’indemnisation des contractuels d’au moins 4 mois d’ancienneté).  

 

La protection sociale complémentaire : les nouvelles étapes 2025 

Comme nous l’expliquions dans  un article en septembre dernier, la petite révolution opérée par la loi de transformation du 6 août 2019 dans la protection sociale complémentaire du secteur public ne progresse pas à la même vitesse dans les trois versants. 

 

Dans la fonction publique d’Etat, les agents bénéficient depuis le 1erjanvier 2025 d’une couverture analogue à celle des salariés du privé (sauf pour les ministères pour lesquels les appels d’offre sont encore en cours) : l’employeur prend en charge la moitié de la cotisation à la mutuelle santé, qui est d’adhésion obligatoire, à hauteur d’un panier minimum de dépense. Dans le même temps, les employeurs doivent proposer un contrat de prévoyance d’adhésion facultative et prendre en charge 7€ sur la cotisation. Pour les services RH concernés, la mise en place est censée appartenir déjà au passé, mais il reste forcément des points à régler (agents n’ayant pas résilié leur mutuelle personnelle, retraités souhaitant bénéficier de la protection complémentaire…). 

 

La fonction publique territoriale, en revanche, est toujours en attente d’un accord collectif sur le volet « mutuelle santé ». Mais elle a bien bénéficié d’un accord national sur la prévoyance, signé le 11 juillet 2023. Celui-ci doit encore être transposé dans le droit. Cette étape importante devrait être franchie au printemps, si, comme prévu, la proposition de loi déposée le 3 février 2025 par la sénatrice Isabelle Florennes, avec le soutien du gouvernement, est bien discutée et adoptée dans les mois qui viennent. La loi permettrait de consacrer deux points fondamentaux de l’accord : 

  • Le caractère obligatoire de l’adhésion aux contrats de prévoyance dans la FPT (l’adhésion restant facultative dans la FPE et la FPH) ;
  • Le remboursement de 50% des garanties minimales de prévoyance, contre 20% actuellement.  

 

Ces mesures s’appliqueraient à partir du 1er janvier 2027. Jusqu’à cette date, les collectivités continueront donc à rembourser 7€ par mois (20% du montant forfaitaire de 35€) sur la cotisation de prévoyance des agents qui choisissent d’adhérer. Les services RH de la FPT gagnent donc un peu de temps pour assurer la transition vers le nouveau régime. Rappelons qu’à compter de 2026, ils devront aussi rembourser 15€ par mois aux agents qui ont souscrit une mutuelle santé. Sauf si un accord national, transcrit dans la loi, vient entre-temps modifier les conditions, ce qui paraît difficile dans le délai imparti.  

 

La fonction publique hospitalière n’a à notre connaissance toujours pas signé d’accord sur la protection sociale complémentaire.  

 

Retraite, congés payés, apprentis : les autres nouveautés de 2025 

Parmi les changements de paramètres ou de réglementation RH sur les rails en 2025, évoquons rapidement les dossiers suivants. 

La hausse des cotisations retraite dans la fonction publique territoriale et hospitalière 

La question des retraites est encore à l’ordre du jour du débat public cette année. Le budget 2025 a été voté en échange de la promesse d’aborder des aménagements de la réforme de 2023 et des pistes de réflexion pour le financement à long terme du système. Une Délégation paritaire permanente (DPP) a été réunie pour en discuter, et un rapport « flash » de la Cour des comptes a été commandé et publié sur le sujet.  

 

Entre-temps, le 30 janvier 2025, un décret est paru pour ajuster à la hausse le taux de cotisation retraite employeur de la fonction publique territoriale et hospitalière. Pour assurer le financement du régime, la contribution va ainsi passer progressivement de 31,65% à 43,65% le 1erjanvier 2028, à raison de 3 points de pourcentage d’augmentation par an. La première augmentation a donc déjà eu lieu rétroactivement au 1erjanvier 2025 à 34,65%, et devait être intégrée aux cotisations de l’échéance de février 2025, avec régularisation de janvier. Les autres augmentations s’appliqueront automatiquement le 1er janvier de chaque année jusqu’en 2028. 

 

Le nouveau taux d’exonération des apprentis 

La politique de développement de l’apprentissage initiée par la réforme de la formation de 2018 (loi « Avenir professionnel »), et démultipliée suite à la crise sanitaire du Covid (objectif « un million d’apprentis ») a conduit à un accroissement spectaculaire du nombre d’apprentis embauchés chaque année dans le privé. Dans le secteur public, la hausse a également été très importante en pourcentage : on est passé, selon la base PoEm, d’environ 15 000 nouveaux contrats par an entre 2016 et 2020 à environ 25 000 en 2023 et 2024. On est loin des 850 000 du secteur privé, mais c’est une hausse très significative.  

 

L’embauche d’apprentis a été directement encouragée par les pouvoirs publics – avec notamment le versement à l’employeur d’une aide de 3 000 € par apprentidans la FPE (les employeurs du public n’ayant pas droit à l’aide exceptionnelle mise en place après la crise sanitaire). Des aides ciblées existent par ailleurs dans la FPT, via le CNFPT. Mais le recrutement de jeunes en apprentissage bénéficiait également, dans le public comme dans le privé, d’une exonération totale de CSG-CRDS et d’une exonération de cotisations salariales jusqu’à hauteur de 79% du Smic. La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025, publiée le 28 février, opère deux changements, valables pour les contrats signés à compter du 1er mars 2025 : 

  • La rémunération des apprentis est désormais soumise à CSG au-dessus de 50% du Smic ; 
  • La part de la rémunération exonérée de cotisations sociales salariales est ramenée de 79% à 50% du Smic.  

 

En clair, les employeurs d’apprentis devront prendre en compte à la fois les cotisations salariales et la CSG-CRDS pour la part des rémunérations au-delà de 50% du smic pour les nouveaux contrats débutant après le 1er mars 2025.  

 

Ces mesures n’ont pas d’impact nécessairement sur tous les apprentis. La rémunération des stagiaires en apprentissage est soumise à des minimas qui dépendent de l’année de scolarité (1re, 2e ou 3e) et de l’âge de l’apprenti. En 1re année, par exemple, jusqu’à 20 ans inclus, le salaire minimum est inférieur à 50% du Smic, et s’élève à 53% pour la tranche 21-25 ans (100% au-delà). Elles vont dans tous les cas dissuader les administrations et les collectivités de payer au-delà de ces minimas, et renchérir l’emploi des apprentis les plus âgés et expérimentés.  

 

2025, année d’innovation RH 

Pour finir, mentionnons 3 pistes d’innovation RH qui devraient alimenter la réflexion et la pratique des ressources humaines dans la fonction publique tout au long de 2025 : 

  • La semaine de 4 jours : la FPE a lancé au printemps 2024 une expérimentation autour des rythmes de travail. Sur la base du volontariat, et dans la limite des contraintes de service (les enseignants, par exemple, sont exclus du dispositif), des fonctionnaires peuvent tester, à temps de travail annuel constant, une répartition différente sur la semaine. Cela peut être 4 jours par semaine, ou 4,5 ou une alternance de semaines de 4 et de 5 jours… Un bilan est prévu pour l’été 2025. Dans le même temps, les collectivités territoriales ont conduit leurs propres expérimentations. Le Syndicat national des directeurs généraux de collectivités territoriales (SNDGCT) en a publié une première évaluationplutôt encourageante en début d’année. Une possibilité à avoir en tête lorsqu’on parle de problématiques d’attractivité de la fonction publique.
  • Le déploiement de l’intelligence artificielle dans la fonction publique : début février, le ministre de l’action publique Laurent Marcangeli a annoncé le déploiement prochain d’agents conversationnels de type ChatGPT pour l’ensemble des fonctionnaires des 3 versants. L’idée est de disposer d’un outil qui réponde aux questions des agents, les aide à répondre à celles des citoyens, le tout dans le respect de la confidentialité des données et de la souveraineté. Les collectivités ne sont pas en reste : la moitié d’entre elles, selon l’observatoire Data Publica , ont soit déjà mis en place, soit testé un système d’intelligence artificielle, soit vont le faire dans l’année. Le déploiement de ce type d’outils est porteur d’opportunités et de gains de productivité pour les services RH, mais aussi de défis potentiels : inquiétude des agents, rejet, besoin en compétences. 
  • Le mécénat de compétences : la loi du 21 février 2022 , puis un décret du 27 décembre 2022 avaient lancé l’expérimentation de ce dispositif dans la FPT et la FPE. La loi du 15 avril 2024l’a étendu à la FPH. Le principe, encadré dans le privé depuis 2003 par la loi Aillagon, consiste à « prêter » un fonctionnaire à un organisme reconnu d’utilité publique, pour une durée maximale de 18 mois reconductible 1 fois. C’est un outil RH qui peut avoir de multiples usages. L’expérimentation est prévue jusqu’à 2027, mais un premier point d’étape est prévu pour ce mois de mars 2025.  

 

L’année 2025 s’annonce donc riche en événements et opportunités RH dans le secteur public. Elle a commencé d’ailleurs par un événement marquant pour la dimension juridique de la fonction RH : l’entrée en vigueur, le 1er février 2025, des 2 premiers livres de la partie réglementaire du code général de la fonction publique. Nous avions déjà salué, en 2022, la publication de la partie législative. Il en reste encore 6. Quand il sera achevé, ce travail considérable de rationalisation devrait peut-être faciliter un peu la tâche du DRH du public, pris dans un cadre légal et réglementaire en constante évolution ! 

Véronique Tixier
Responsable Veille Légale Secteur Public chez Sopra HR Software
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