CONFORMITÉ RH

L’agenda RH de 2023 dans le secteur public

DeVéronique Tixier
25 janvier 2023

Avec les élections professionnelles de décembre 2022, un chapitre important de l’histoire récente de la fonction publique s’achève – pour l’essentiel. Même s’il reste encore quelques échéances et textes réglementaires en attente, la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 a désormais produit l’essentiel de ses grands effets organisationnels. L’actualité RH de 2023 ne sera donc plus rythmée par la mise en œuvre progressive de cette importante réforme, même si certaines mesures s’inscrivent dans sa continuité. Elle sera cependant marquée par l’appropriation croissante des nouveaux dispositifs mis en place, notamment en matière de dialogue social et de représentation du personnel.

Le monde des RH du secteur public connaîtra des nouveautés qui toutes s’inscrivent dans la continuité de grandes évolutions : l’affichage du montant net social sur le bulletin de paie, la réforme de la haute fonction publique, l’évolution du forfait mobilité, le temps partiel thérapeutique en DSN… Nous passons en revue ces nouveautés et leur contexte – quitte à revenir sur certaines d’entre elles au cours de l’année.

 

Le montant net social

Une nouvelle étape dans la digitalisation des relations dans l’écosytème RH

La digitalisation des relations entre citoyens, organisations et Etat s’est faite en deux temps. Au cours des années 2000, elle s’est manifestée surtout par une meilleure communication. L’État et les institutions ont mis à la disposition des citoyens les documents et les renseignements qu’il fallait auparavant venir chercher au guichet ou demander au téléphone. Mais la vraie révolution digitale a eu lieu au cours des années 2010. La DSN, puis le prélèvement à la source ont amorcé une transformation profonde de la façon dont fonctionnent et s’organisent les flux d’information : toujours plus de simultanéité, d’automatisation, d’interconnexion, de transmission directe des données. Le salarié, le citoyen, l’administré sont de moins en moins contraints de communiquer eux-mêmes leurs informations aux administrations et aux entreprises.

L’apparition prochaine du « montant net social » sur le bulletin de paie et dans les flux DSN s’inscrit dans la continuité de cette logique. La finalité en est, dans un premier temps, de permettre aux salariés et aux agents de connaître ce chiffre, qui peut leur être utile pour demander certaines allocations. Mais dans un second temps, la transmission via la DSN devrait permettre d’automatiser le processus d’attribution et de versement de ces allocations. Comme c’est de plus en plus souvent le cas, le bulletin de paie se retrouve au centre d’un flux de données utilisé par les autorités et les institutions, et le responsable paie joue un rôle-clé dans le déploiement d’une politique publique, en l’occurrence la mise en place de la « solidarité à la source ».

Une mise en place progressive

La notion de « net social » dans ce nouveau sens est nouvelle, et semble provenir davantage d’une logique d’application technique que d’une décision politique. Sur Internet, il n’en est presque pas fait mention avant novembre 2022. Les éditeurs de paie se sont cependant mobilisés sur la question tout au long de l’année, afin d’obtenir des précisions et un calendrier.

Initialement prévue pour janvier 2023, l’obligation de faire figurer le net social en bas du bulletin de paie est finalement reportée à juillet 2023 : un arrêté modificatif de l’arrêté du 25 février 2016, qui fixe les rubriques obligatoires du bulletin de paie, devrait paraître bientôt.

A partir de janvier 2024, la déclaration via la DSN sera obligatoire – mais elle sera possible avant.

De quoi s’agit-il ?

Le « net social » représente la différence entre l’ensemble des rémunérations brutes et revenus de remplacement (hors IJSS) d’une part, les cotisations et contributions sociales d’autre part. Ce montant mensuel va venir rejoindre, au pied du bulletin de paie, la panoplie des différents totaux mis à disposition de l’agent.

 

Le forfait mobilité durable

La prise en charge des frais de transport : regard en arrière

Le remboursement des frais de transports peut répondre à deux logiques différentes : une logique sociale, qui vise à dédommager les agents et salariés les plus éloignés du lieu de travail, et une logique environnementale, lorsque l’aide vise à encourager les modes de transport les moins polluants.

Pendant longtemps, seule la première de ces approches a été mise en œuvre, et de façon limitée. Dans le public comme dans le privé, les Franciliens bénéficient depuis 1983 du remboursement de la moitié du coût de leurs titres de transport (40% en 1982), suite à la loi du 4 août 1982. Hors d’Ile-de-France, le remboursement était optionnel. C’est la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009 qui a étendu cet avantage aux agents et salariés sur tout le territoire national. La même loi créait la possibilité de prendre en charge les frais d’essence (ou d’électricité) liés aux déplacements contraints en voiture (en l’absence de transport public).

La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a inauguré la seconde approche, en créant l’ « indemnité kilométrique vélo », limitée au vélo et au vélo électrique. La loi des Finances pour 2019 y ajoutera une « indemnité forfaitaire covoiturage ». L’indemnité vélo (facultative) a bien été mise en œuvre dans le privé, via un décret du 11 février 2016. Dans le public, un décret du 31 août 2016 créait une expérimentation, prolongée plus tard jusqu’à fin 2019, mais limitée au périmètre de deux ministères (Développement durable et Logement) et leurs établissements publics.

La création du forfait mobilité durable

Pour l’essentiel, donc, les agents de la fonction publique n’ont pas pu bénéficier de ces incitations à utiliser des modes de déplacement vertueux, jusqu’à la création du « forfait mobilité durable » par la loi du 24 décembre 2019  d’orientation des mobilités. Le principe est de verser un montant fixe aux agents et collaborateurs qui utilisent des moyens de transport économes en empreinte carbone : vélo, vélo électrique ou covoiturage.

4 décrets de 2020 ont mis en œuvre le dispositif respectivement dans le privé, la fonction publique d’Etat, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière. Cette dernière est la seule pour laquelle le forfait mobilité durable s’applique de droit à tous les agents : la mesure reste facultative dans le privé et subordonnée à une délibération de « l’organe délibérant » dans la FPT. Dans la FPE, elle s’applique à tous les agents de droit, sauf à ceux qui dépendent d’un établissement public, d’une autorité publique indépendante ou d’un GIP dépendant de subventions d’Etat. Dans ces 3 derniers cas, une délibération du conseil d’administration est nécessaire.

Qu’est-ce qui change en 2023 ?

En réalité, les changements s’appliquent au forfait de 2022, à verser début 2023. La loi des Finances pour 2021 avait ajouté aux moyens de transport pris en compte les trottinettes électriques et autres « engins de déplacement personnel motorisé ». Les décrets de 2020 concernant le public, par ailleurs, n’intégraient pas les abonnements à des services d’autopartage ou de voitures électriques en libre-service, cités par le décret concernant le public.

Depuis le 1er septembre 2022 dans la FPE et la FPH, et depuis le 1er janvier 2022 dans la FPT, le bénéfice du forfait mobilité durable a été étendu aux utilisateurs de « trottinettes, mono-roues, gyropodes, hoverboards, etc. », aux personnes qui utilisent un « engin de déplacement motorisé ou non, loué ou mis à disposition en libre-service » (les engins motorisés devant être « non thermiques »), ou encore aux personnes qui ont recours « à un service d’auto-partage, à condition que les véhicules mis à disposition soient des véhicules à faibles émissions ».

Par ailleurs, les conditions pour bénéficier du forfait sont assouplies : il fallait un minimum de 100 jours de déplacement cumulé avec ces moyens de transport avant 2022, il n’en faut plus que 30, avec un « tarif » progressif (100€ entre 30 et 59 jours, 200€ entre 60 et 99 jours, 300€ à partir de 100 jours).

Dans la FPT et la FPH, le périmètre des bénéficiaires s’est élargi : les agents embauchés en contrat privé ont désormais accès au forfait (c’était déjà le cas dans la FPE).

En principe, le forfait est attribué sur la base d’une déclaration sur l’honneur de l’agent, communiquée par celui-ci avant la fin de l’année concernée, pour un paiement en début d’année suivante. Une exception est faite pour 2022, compte tenu du caractère tardif des derniers textes (parus en décembre) : les agents peuvent faire leur déclaration début 2023.

Du point de vue RH, l’évolution du forfait mobilité durable représente à la fois une charge (de gestion et de communication), mais aussi une opportunité d’aborder globalement la question des déplacements domicile-travail, et au-delà l’organisation générale du travail.

 

Les nouveautés déclaratives : le temps partiel thérapeutique

La DSN est généralisée dans la fonction publique depuis le 1er janvier 2022, mais elle continue à évoluer. Au même titre que le bulletin de paie, la DSN est impactée en effet par la plupart des politiques sociales, économiques, fiscales du gouvernement. Comme on l’a vu avec le montant net social, elle connaît des modifications techniques permanentes pour suivre le mouvement de la transformation des relations organisations/Etat.

 

La réforme de la haute fonction publique

2023 voit également l’aboutissement d’une réforme qui puise sa source, elle aussi, dans la loi de transformation de la fonction publique. C’est en effet au nom de son article 59 qu’a été publiée l’ordonnance du 2 juin 2021 « portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat ». La création de la Délégation interministérielle à l'encadrement supérieur de l'État (DIESE) et le remplacement de l’ENA par l’Institut national du service public (INSP) en 2022 ont posé le cadre de cette remise à plat des emplois de haut niveau dans la fonction publique.

Nous aurons l’occasion de revenir plus en détail au cours de l’année sur cette réforme d’envergure, mais soulignons que 2023 représente d’ores et déjà une date marquante dans l’histoire de l’encadrement supérieur public : depuis le 1er janvier, 15 corps ont été supprimés pour fusionner au sein du nouveau corps des administrateurs de l’Etat. Environ 6 000 cadres sont concernés. Cette mesure implique à la fois une simplification et une ouverture des possibilités de parcours.

 

L’expérimentation du « mécénat de compétences »

Les entreprises privées peuvent prêter de la main-d’œuvre à titre gratuit depuis au moins 1973, et elles peuvent en défiscaliser le coût depuis la loi mécénat de 2003. C’est la base de ce qu’on appelle le « mécénat de compétences », qui désigne le fait de prêter du temps de travail d’un ou plusieurs collaborateurs à un projet d’intérêt général ou à une association. 15% des entreprises ont déployé cette pratique en 2021, selon le baromètre Admical 2022.

Une loi du 21 février 2022 a lancé une expérimentation pour 5 ans du mécénat de compétences dans le public. Un décret du 27 décembre 2022 est venu en préciser les modalités, et les employeurs de la FPE et de la FPT (hormis les communes de moins de 3500 habitants) peuvent d’ores et déjà y recourir. Les organismes bénéficiaires doivent être des « œuvres ou organismes d’intérêt général ». Il peut s’agir d’associations ou de fondations, y compris de fondations d’entreprises. Les agents peuvent être « prêtés » pour une durée maximale de 18 mois renouvelable 1 fois. Il peut s’agir d’un prêt à temps partiel, l’agent continuant à travailler dans son administration ou sa collectivité le reste du temps hebdomadaire.

Curieusement, il est prévu que ces missions puissent donner lieu à remboursement par l’organisme d’accueil, ce qui paraît un peu contraire à l’esprit du mécénat, mais ouvre l’éventail des possibilités. S’il n’y a pas de remboursement, le prêt de compétences est considéré comme une subvention et doit être déclaré comme tel. Dans tous les cas, une convention doit être conclue avec l’organisme bénéficiaire.

Bien sûr, le mécénat de compétences ne présente pas, dans le public, la dimension incitative liée à la défiscalisation. Mais c’est un nouvel outil RH à garder en tête, qui vient enrichir la palette des solutions disponibles. Il peut notamment servir à gérer des fins de carrière, ou sceller des partenariats avec des acteurs de terrain. Son appropriation par les employeurs des deux fonctions publiques concernées sera à suivre de près.

 

Marché public de l’emploi : nouveau site « Choisir la fonction publique »

Depuis 2019, il existe un marché de l’emploi commun aux trois fonctions publiques et accessible en ligne. Un décret du 28 décembre 2018 instituait ainsi le principe selon lequel « la création ou vacance de tout emploi permanent au sein des administrations […] fait l'objet sans délai, d'une publicité sur un espace numérique commun aux trois versants de la fonction publique. » C’est ainsi qu’est né en 2019 le site Place de l’emploi public, qui a connu des améliorations successives depuis, et un élargissement de son périmètre via un décret du 22 avril 2022.

Fin 2022, le gouvernement a publié une circulaire (du 27 décembre) pour faire le point sur le fonctionnement de la plateforme et les obligations des recruteurs. La circulaire annonce par ailleurs la transformation du site Place de l’emploi public en Choisir le service public, qui a vocation à devenir « le site de la marque employeur du service public ».

Pour les professionnels RH des 3 fonctions publiques, la plateforme a vocation à devenir un outil important, associé à des obligations déclaratives précises qu’il faudra transformer en opportunités.

 

L’année 2023 sera également celle au cours de laquelle le nouveau paysage du dialogue social issu des élections professionnelles de décembre 2022 commencera à produire ses effets. La mutation des RH dans le secteur public va se poursuivre, dans la pratique et la concertation.

La réponse à une question écrite posée à l’Assemblée nationale au ministère de la Transformation et fonction publiques (et commentée dans La Gazette), relative à la promotion interne, laisse entendre en tout cas que des évolutions pourraient avoir lieu en matière de recrutement. Selon le ministère, « le Gouvernement n’est pas opposé à l’idée de faire évoluer les règles de la promotion interne, afin d’offrir davantage de possibilités et de souplesse aux employeurs locaux dans la gestion de leurs ressources humaines. Les travaux relatifs à la carrière et à la rémunération des agents publics, annoncés par le ministre de la transformation et de la fonction publiques lors de la conférence salariale du 28 juin 2022, pourront être l’occasion de concrétiser cet objectif, dans le courant de l’année 2023. »

Même si l’actualité sera inévitablement dominée par la future réforme des retraites, les nouveautés dans le monde des RH du secteur public ne s’y cantonneront donc certainement pas. 

Véronique Tixier
Responsable Veille Légale Secteur Public chez Sopra HR Software
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