CONFORMITÉ RH

Quels risques et sanctions pour l’employeur en cas de non-respect de la législation du travail

DeMarie-Clotilde Lefebvre
20 septembre 2021

Etat des lieux dans le secteur privé France.

 

Le code du travail contient déjà de nombreuses obligations et interdictions à la charge de l’employeur : respect des durées maximales de travail et du repos hebdomadaire, interdiction de licencier une femme enceinte et interdiction de prendre des mesures discriminatoires. Et dernièrement, la loi relative à la gestion de la crise sanitaire est venue ajouter une obligation supplémentaire : contrôler le passe sanitaire des salariés dans les contextes où cela est exigé. Si l’employeur ne respecte pas ces obligations et interdictions, il encourt une ou plusieurs sanctions : peines de prison, amendes, dommages et intérêts…

 

Ne pas contrôler le passe sanitaire lorsqu’il est exigé ou l’imposer dans l’entreprise alors qu’il n'est pas exigé

Depuis le 30 août 2021, les salariés travaillant dans certains lieux ou établissements doivent présenter un passe sanitaire pour pouvoir continuer de travailler. Ce passe est exigé lorsque leur activité se déroule dans les espaces et aux heures où ils sont accessibles au public, à l'exception des activités de livraison et sauf intervention d'urgence.

 

Pour rappel, le passe sanitaire comprend :

  • Un certificat de vaccination attestant d’un schéma vaccinal complet.
  • Un résultat négatif d’un test RT-PCR, d’un test antigénique ou d'un autotest supervisé par un professionnel de santé, datant de moins de 72 heures.
  • Un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19.

     

    Les lieux et activités concernés par ce passe sont :

  • Les activités de loisirs.
  • Les activités de restauration commerciale ou de débit de boissons, à l'exception de la restauration collective, de la vente à emporter de plats préparés et de la restauration professionnelle routière et ferroviaire.
  • Les foires, séminaires et salons professionnels. Pour les séminaires professionnels organisés en dehors de l’entreprise, un décret précise que le Passe sanitaire est requis seulement s’ils rassemblent plus de 50 personnes.
  • Sauf en cas d'urgence, les services et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, pour les personnes accompagnant ou rendant visite aux personnes accueillies dans ces services et établissements, ainsi que pour celles qui y sont accueillies pour des soins programmés.
  • Les déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux au sein du territoire hexagonal, de la Corse ainsi qu’en Outre-Mer (La Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis et Futuna et la Polynésie française), sauf en cas d'urgence faisant obstacle à l'obtention du justificatif requis.
  • Sur décision motivée du représentant de l'Etat dans le département, lorsque leurs caractéristiques et la gravité des risques de contamination le justifient, les grands magasins et centres commerciaux, au-delà d'un seuil défini par décret, et dans des conditions garantissant l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi, le cas échéant, qu'aux moyens de transport.

 

Si l’employeur décide de ne pas contrôler les passes sanitaires

La loi relative à la gestion de la crise sanitaire prévoit qu’il est mis en demeure par l’autorité administrative de se conformer aux obligations qui sont applicables à l’accès au lieu. La mise en demeure indique les manquements constatés et fixe un délai, qui ne peut être supérieur à 24 heures ouvrées à l’expiration duquel l’exploitant du lieu doit se conformer aux obligations. Si la mise en demeure est infructueuse, l’autorité administrative peut ordonner la fermeture administrative du lieu pour une durée maximale de sept jours. Cette mesure est levée dès que l’exploitant apporte la preuve de la mise en place des dispositions relatives au passe sanitaire. Si un manquement est constaté à plus de 3 reprises au cours d’une période de 45 jours, il est puni d’un an d’emprisonnement et de 9000 € d’amende.

 

En dehors des cas listés ci-dessus, la loi précise qu’il est interdit d’exiger d'une personne la présentation d’un passe sanitaire. Une entreprise ne peut donc pas exiger que ses salariés lui présentent un passe sanitaire si son activité/établissement n’est pas concerné par cette obligation. In fine, elle ne peut pas non plus suspendre le contrat des salariés qui ne lui présenteraient pas un tel passe.

 

En termes de sanction, la loi relative à la gestion de la crise sanitaire prévoit que l’entreprise risque « un an d'emprisonnement et 45 000 € d'amende ». De plus, la suspension du contrat de travail des salariés ne présentant pas un passe sanitaire constitue une discrimination et une sanction pécuniaire, l’employeur peut donc se voir condamner par le conseil des prud’hommes à rembourser le salaire retenu à tort et à verser des dommages et intérêts aux salariés concernés.

A noter que l’inspecteur du travail peut, d’une part faire un rappel à l’employeur du cadre légal des mesures de présentation du passe sanitaire et d’autre part, signaler l’infraction au parquet, ce qui déclenchera les sanctions mentionnées plus haut.

 

 

Ne pas respecter la réglementation relative à la durée de travail

  • Le repos hebdomadaire

    Le code du travail prévoit qu’il est interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine. De plus, le repos hebdomadaire doit être d’une durée de 24 heures, auxquelles s’ajoute les 11 heures de repos quotidien (soit 35 heures au total). Enfin, ce repos est donné le dimanche (sauf exceptions).

    L’employeur qui ne respecte pas cette réglementation s’expose à 4 sanctions :

    -          La fermeture le dimanche de l’établissement concerné. Cette fermeture est ordonnée sous astreinte par le juge des référés. Celui-ci peut être saisi par un syndicat de salariés ou d'employeurs, par une entreprise concurrente à titre individuel, ou par l'inspecteur du travail.

    -          Le versement de dommages et intérêts pour réparer le préjudice subi par les salariés privés de leur repos dominical.

    -          Le versement de dommages et intérêts à un syndicat d'employeurs ou de salariés, en raison de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente.

    -          Une amende de 1 500 € multipliée par le nombre de salariés concernés par l’infraction[1].

     

  • Les durées maximales de travail

    Les durées maximales de travail sont les suivantes :

    -          10 heures par jour.

    -          48 heures au cours d’une même semaine. En cas de circonstances exceptionnelles entraînant un surcroît extraordinaire de travail, cette durée peut monter jusqu’à 60 heures par semaine. Dans ce cas, une demande de dépassement doit être adressée à l'inspecteur du travail dont relève l'établissement qui emploie les salariés concernés, accompagnée de l'avis du comité social et économique.

    -          44 heures par semaine calculée sur une période quelconque de 12 semaines consécutives. Une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir le dépassement de cette durée, dans la limite de de 46 heures sur une période de 12 semaines.

     

    Le non-respect de ces dispositions est puni d’une contravention de 750 € multipliée par le nombre de salariés concernés par l’infraction [2]. De plus les salariés peuvent obtenir le versement de dommages et intérêts pour réparer le préjudice qu’ils ont subi.

     

  • Heures supplémentaires

Pour rappel, les heures supplémentaires sont les heures effectuées au-delà de la durée légale ou de la durée d’équivalence. Une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement (à défaut, une convention ou un accord de branche) peut prévoir :

-          Le taux de leur majoration, à condition que ce montant ne soit pas inférieur à 10%. A défaut d’un tel accord, les 8 premières heures supplémentaires sont majorées au taux de 25%, au-delà elles sont majorées au taux de 50%.

-          Un contingent d’heures à réaliser par an et par salarié. En l’absence d’accord collectif, le volume du contingent est de 220 h par salarié.

-          La possibilité de remplacer le paiement de tout ou partie de ces heures par un repos compensateur de remplacement.

-          Une contrepartie obligatoire en repos, lorsque les salariés accomplissent des heures supplémentaires au-delà du contingent. A défaut d’accord, le code du travail prévoit qu’elle est de 50% pour les entreprises de 20 salariés ou moins et de 100 % pour les entreprises de plus de 20 salariés.

 

Le non-respect du contingent et des contreparties aux heures supplémentaires (majorations de rémunération, repos compensateur de remplacement et contrepartie obligatoire en repos) sont punis d’une contravention de de 750 € multipliée par le nombre de salariés concernés par l’infraction[3]. Par ailleurs, le non-paiement de tout ou partie des heures supplémentaires peut être constitutif du délit de dissimulation d'emploi salarié. Dans ce cas, l’employeur peut être condamné à 3 ans de prison et 45 000 € d’amende.

 

Un salarié peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail,[4] si le l’employeur refuse de lui reconnaître tout droit aux heures supplémentaires [5]. Cette sanction s’applique aussi en cas de non-paiement de ces heures pendant une période prolongée[6]. A l’inverse le défaut de paiement de quelques heures ne peut pas justifier une telle prise d’acte.

Enfin le non-paiement des heures supplémentaires peut justifier le versement par l'employeur de dommages-intérêts distincts des intérêts de droit, à condition pour le salarié d'apporter la preuve d'un préjudice.

 

 

Prendre des mesures discriminatoires

Le principe de non-discrimination vise de nombreuses situations. Le code du travail prévoit que « aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat ».

 

Les critères sur lesquels la discrimination est interdite sont fixés par le code du travail :

origine. grossesse. convictions religieuses.
sexe. caractéristiques génétiques. apparence physique.
mœurs. particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur. nom de famille.
orientation sexuelle. appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race. lieu de résidence.
identité de genre. opinions politiques. domiciliation bancaire.
âge. activités syndicales ou mutualistes. état de santé.
situation de famille. exercice d'un mandat électif. perte d’autonomie.
  handicap.

 

L’employeur qui se rend coupable d’actes discriminatoires risques 6 sanctions :

-          La nullité de l’acte discriminatoire.

-          Le rétablissement de la situation du salarié : si un salarié est victime d’actes discriminatoires, celui-ci doit être replacé dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n’avait pas eu lieu.

-          En cas de licenciement discriminatoire : la réintégration du salarié dans son emploi ou à défaut dans un emploi équivalent.

-          La résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié représentant du personnel qui subit une discrimination syndicale durable et persistante.

-          Le versement de dommages et intérêts réparant le préjudice matériel et moral subi par le salarié victime de discrimination.

-          Une sanction pénale égale à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende.

 

 

Licenciement d’une femme enceinte

Les femmes enceintes ne peuvent pas être licenciées à partir du moment où l’employeur a connaissance de leur grossesse. Cette protection se poursuit pendant toute la durée du congé maternité, mais aussi pendant les congés payés pris immédiatement après le congé maternité et pendant les 10 semaines qui suivent l’expiration de ces deux périodes. Il existe cependant deux exceptions à cette interdiction : l’employeur peut licencier une femme enceinte pour faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou en raison de l’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail.

Enfin, à titre de rappel, la grossesse est l’un des motifs de non-discrimination sur lequel l’employeur ne peut pas se fonder pour sanctionner ou licencier la salariée (voir détails plus haut).

 

En cas de licenciement nul (car discriminatoire) ou de licenciement sans respecter la période de protection des femmes enceintes, la salariée peut demander sa réintégration.

 

  • Si la salariée est réintégrée

    Elle perçoit alors une somme correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont elle a été privée.

     

  • Si la salariée n’est pas réintégrée

En cas de licenciement discriminatoire elle a droit à :

-          Une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

-          Au paiement des salaires pendant la période couverte par la nullité, c'est-à-dire la période comprise entre la date d'éviction de l'entreprise et l'expiration de la période de protection de 10 semaines.

-          L’indemnité de licenciement (légale ou conventionnelle).

-          Une indemnité de préavis.

-          Une indemnité réparant son préjudice moral et un préjudice financier supplémentaire.

-          Une indemnité compensatrice de congés payés pour la période couverte par la nullité du licenciement.

 

L’employeur est aussi passible d’une contravention d’un montant de 1 500 €.

 

Le code du travail contient bien d’autres obligations et interdictions faisant l’objet de sanctions. Le respect de toutes les obligations à la charge de l’employeur peut s’avérer complexe et le paiement d’une amende peut parfois paraître injuste pour l’employeur de bonne foi qui fait de son mieux pour respecter la réglementation. L’employeur ne doit pas hésiter à utiliser toutes les ressources mises à sa disposition sur le marché pour sécuriser la gestion de son entreprise (logiciels de gestion des temps, conseils juridiques…).

[1] R3135-2 code du travail

[2] R3124-3 code du travail et R3124-11 code du travail

[3] R3124-6 et R3124-7 code du travail

[4] Cass. soc. 27-11-2014 n° 13-18.716

[5] Cass. soc. 27-11-2014 n° 13-18.716

[6] Cass. soc. 21-5-2002 n° 99-45.890

Marie-Clotilde Lefebvre
Veille légale – Juriste en droit social chez Sopra HR
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