La paie des apprentis

DeMarie-Clotilde Lefebvre
21 décembre 2023

L’apprentissage connaît un rebond important depuis ces dernières années. En 2022 par exemple, 837 000 nouveaux contrats d’apprentissage ont été signés dans les secteurs privés et publics, soit une augmentation de 14% par rapport à l’année 2021. Nous vous proposons une revue de l’ensemble des points essentiels qui font la particularité de cette population de salariés. 

L’apprenti est un salarié particulier dans la mesure où il dispose d’un contrat de travail (CDD ou CDI) et que, dans le même temps, il est encore étudiant. En effet, l’apprenti partage son temps entre le centre de formation d’apprentis (CFA) qui lui dispense des enseignements théoriques et l’entreprise qui lui dispense un enseignement pratique. Le code du travail contient plusieurs textes relatifs à l’apprenti : conclusion et rupture du contrat de travail, rémunération à verser, durée de travail… Cet article a pour objectif de présenter les points essentiels à connaître concernant la paie des apprentis. 

 

Un salaire minimum réglementé par le code du travail… 

 

Le code du travail prévoit un salaire minimum à verser à l’apprenti.  

Le ministère du travail précise que la rémunération minimale réglementaire (c’est-à-dire celle issue du code du travail) d’un apprenti est basée sur deux critères : 

  • Le critère principal est celui de l’année contractuelle (c’est-à-dire l’année d’exécution du contrat), soit la progression de l’apprenti dans le ou les cycles de formation faisant l’objet du contrat. 
  • Le second est l’âge de l’apprenti au moment du début d’exécution du contrat, et son évolution dans le temps, le cas échéant. 

 

… Ou par la convention collective ou le contrat de travail 

Une convention collective ou le contrat de travail de l’apprenti peuvent prévoir des taux plus élevés. Il est donc important de vérifier si la convention collective applicable dans l’entreprise ou le contrat de travail prévoient une grille de rémunération spécifique aux apprentis. Si tel est le cas, il faut alors procéder à une comparaison entre la grille prévue par le code du travail et celle prévue par la convention collective ou le contrat de travail et appliquer le montant le plus favorable. 

 

Un salaire qui augmente en fonction de l’évolution du SMIC… 

Il est important de noter que si le SMIC change en cours d’année, il convient de revaloriser le salaire des apprentis (pour mémoire, le SMIC a été revalorisé 3 fois en 2022 et 2 fois en 2023).  

 

….mais aussi en fonction de l’âge et de l’année du contrat 

Le code du travail prévoit deux cas dans lesquels la rémunération de l’apprenti peut augmenter en cours d’année :  

  • Le premier : en fonction de l’âge de l’apprenti

  • Le second : en fonction des années du contrat

 

Les droits de l’apprenti dans l’entreprise 

Il faut garder à l’esprit que l’apprenti est un salarié « en formation » qui bénéficie des mêmes droits que les autres salariés de l’entreprise. À ce titre : 

  • L’apprenti acquiert des congés payés comme n’importe quel autre salarié dans l’entreprise. La rémunération des congés payés pris par l’apprenti suit les règles de droit commun. 

  • Il bénéficie de jours pour évènements familiaux, qu’ils soient prévus par loi, la convention collective, les accords collectifs ou le contrat de travail. 

  • Il bénéficie des mêmes jours fériés que les salariés de l’entreprise, ainsi que de la règle du maintien de salaire (s’il remplit la condition de trois mois d’ancienneté prévue par la loi). 

  • L’apprenti bénéficie de titres restaurant comme n’importe quel autre salarié de l’entreprise. La question se pose de savoir s’il doit aussi en bénéficier pour les jours où il est en formation au CFA. La question n’a, à ce jour, pas été tranchée ni par les juges ni par l’URSSAF. Un argument penche pour l’attribution de titres restaurant pour les jours passés en CFA : le code du travail prévoit que le temps passé en CFA est considéré comme du temps de travail effectif. Donc, l’apprenti devrait obtenir des titres restaurant pour les jours passés en CFA (sauf si l’apprenti a accès à une cantine au CFA a priori). 

  • Pour ce qui est du remboursement des frais de transport entre le domicile et le lieu de travail (ainsi que le lieu de CFA), l’apprenti bénéficie là aussi des mêmes règles applicables aux salariés de l’entreprise. L’employeur doit donc rembourser 50% des différents abonnements de transports en commun utilisés par l’apprenti pour se rendre sur son lieu de travail ou à son CFA. 

 

La rémunération de l’apprenti est en partie exonérée de cotisations salariales 

Depuis le 1er janvier 2019, la rémunération des apprentis est exonérée de cotisations salariales d’origine légale et conventionnelle dans la limite de 79% du SMIC. Les rémunérations supérieures à 79% du SMIC sont donc soumises aux cotisations salariales, mais uniquement pour leur part excédentaire.  

Cette limite s’applique aux cotisations URSSAF, à celles de retraite complémentaire (y compris CEG et CET) à l’exception de la cotisation APEC qui est due sur l’intégralité de la rémunération de l’apprenti. Depuis le 1er janvier 2021, cette exonération concerne tant les taux légaux de retraite complémentaire que ceux supérieurs au légal.  

La limite d’exonération s’apprécie mensuellement et ne fait pas l’objet d’une proratisation en cas d’absence. Seule l’entrée ou la sortie de l’entreprise en cours de mois entraîne la proratisation du seuil de 79 %. Aucune régularisation annuelle n’est prévue. 

La rémunération des apprentis ainsi que les contributions patronales de mutuelle, prévoyance et retraite supplémentaire sont exonérées de CSG-CRDS, quel que soit le montant de ces sommes.  

Lorsque les apprentis réalisent des heures supplémentaires, ils bénéficient de l’exonération de cotisations salariales applicable sur ces heures. 

 

La rémunération des apprentis est soumise aux cotisations patronales… 

Depuis le 1er janvier 2019, toutes les cotisations et contributions patronales URSSAF sont dues.  Il en est de même des cotisations de retraite complémentaire (T1 & 2), CEG (T1 & 2), CET (T1 & 2) et APEC (s’ils ont le statut « cadre »). 

…sauf exceptions 

La contribution « formation professionnelle » ainsi que la taxe d’apprentissage sont dues elles aussi. Attention toutefois, dans les entreprises de moins de 11 salariés, la rémunération versée aux apprentis est exonérée de la contribution formation professionnelle et de la taxe d’apprentissage. 

Le versement mobilité (ex-versement transport) est dû si l’entreprise atteint ou dépasse son effectif d’assujettissement, à savoir 11. 

En revanche, la rémunération des apprentis est exonérée de taxe « effort construction » quel que soit l’effectif de l’entreprise en raison d’un jeu de renvoi de texte à l’assiette de la CSG-CRDS. 

Le forfait social est dû sur les sommes entrant dans son champ d’application (intéressement, participation, contribution patronale à un régime de retraite supplémentaire, dans les entreprises de 11 salariés et plus, contribution patronale à un régime de prévoyance). 

La rémunération des apprentis est exonérée de taxe sur les salaires. 

 

La rémunération des apprentis est éligible à certaines exonérations/réductions de cotisations patronales 

Depuis le 1er janvier 2019, les employeurs d’apprentis cotisent sur la rémunération réelle de l’apprenti. En contrepartie, ils peuvent bénéficier de la RGCS (ex-réduction Fillon).  

La rémunération versée aux apprentis est éligible au taux réduit de la cotisation maladie et de la cotisation « allocations familiales » à condition d’être inférieure respectivement à 2,5 ou 3,5 SMIC. 

 

Les apprentis bénéficient d’une exonération d’impôt  

La rémunération des apprentis est exonérée d’impôt dans la limite du SMIC annuel.  

Cette limite n’est pas proratisée en cas d’entrée en apprentissage ou de fin d’apprentissage en cours d’année. Si l’apprenti est amené à avoir deux contrats d’apprentissage la même année avec deux employeurs différents, le BOFiP précise que chacun des employeurs apprécie séparément la fraction excédant le plafond d’exonération. 

Si en fin d’année, l’apprenti a dépassé le plafond, il lui reviendra de corriger sa déclaration de revenus. 

Le prélèvement à la source s’applique dans deux situations : 

  • Lorsque la rémunération de l’apprenti dépasse le montant du SMIC annuel : dans ce cas, la partie excédentaire est soumise au prélèvement à la source. 

  • Lorsque l’apprenti est malade et que l’employeur pratique la subrogation des IJSS : dans ce cas, les IJSS maladie sont soumises au prélèvement à la source dans les mêmes conditions que les autres salariés. 

 

 

 

 

Marie-Clotilde Lefebvre
Veille légale – Juriste en droit social chez Sopra HR
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