CONFORMITÉ RH

Agenda social 2023 du secteur privé : Les deux textes à ne pas manquer en 2023.

DeMarie-Clotilde Lefebvre
27 décembre 2022

L’année 2023 sera marquée par l’entrée en vigueur de la loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail, en vue du plein emploi et du vote du projet de loi visant à adapter le droit national à plusieurs directives européennes. Entre nouvelles obligations à la charge de l’employeur et évolution des droits de certains salariés, les services Ressources Humaines auront fort à faire en 2023.

 

Loi marché du travail

Publié au journal officiel du 22 décembre 2022, le texte contient des dispositions relatives aux sujets suivants :

-L’abandon de poste.

-Le refus d’un CDI à l’issue d’un CDD ou d’une mission d’intérim.

-Le droit de vote aux élections du CSE.

-La validation des acquis de l’expérience (VAE).

-L’expérimentation du contrat multi-remplacement (CDD et intérim).

 

L’abandon de poste


Le texte crée une « présomption de démission » lorsque le salarié abandonne volontairement son poste et ne reprend pas le travail (= abandon de poste).

  • Procédure à suivre

    L’employeur doit, dans un premier temps, mettre le salarié en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, sous un délai qu’il aura lui-même fixé. Ce n’est qu’à l’expiration de ce délai que le salarié sera considéré comme démissionnaire.

    Précisions :

    -      Le délai laissé par l’employeur ne pourra être inférieur à un minimum qui sera fixé par décret. 

    -      La mise en demeure devra s’effectuer par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge.

    -      Lors des débats parlementaires, il a été précisé que certaines situations d’absences légitimes ne pourront pas être qualifiées d’abandon de poste. Ce sera notamment le cas de l’exercice du droit de retrait, du droit de grève ou encore du fait pour un salarié de quitter son poste sans autorisation en raison de son état de santé.

     

  • Contestation de la rupture par le salarié

    Le salarié pourra contester la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption, en saisissant le conseil de prud’hommes.

    L’affaire sera directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononcera sur la nature de la rupture et les conséquences associées.

    Il statuera dans un délai d’un mois à compter de sa saisine.

    Précision : si le salarié parvient à renverser la présomption de démission, le juge requalifiera la rupture du contrat en licenciement, lequel faute de motif, serait sans cause réelle et sérieuse.

  • Conséquences de la présomption de démission

    Considéré comme démissionnaire, le salarié ne percevra aucune indemnité de licenciement de la part de son employeur. Ce dernier réalisera un solde de tout compte comme pour n’importe quel salarié démissionnaire (versement de l’indemnité compensatrice de congés payés et des derniers éléments de salaire, remise du certificat de travail, de l’attestation pôle emploi et du reçu pour solde de tout compte).

    Le salarié n’aura pas non plus droit aux allocations chômage versées par pôle emploi.

    La date d’entrée en vigueur de cette nouveauté sera fixée par décret.

     

    Refus d’un CDI après un CDD ou une mission d’intérim

  • Proposition d’un CDI à l’issue d’un CDD

    Lorsqu’à l’issue d’un CDD un employeur propose un CDI au salarié, celui-ci doit lui notifier cette proposition par écrit.

    Cette obligation concerne uniquement les propositions portant sur :

    -      Le même emploi ou un emploi similaire,

    -      assorti d’une rémunération au moins équivalente,

    -      pour une durée de travail équivalente,

    -      relevant de la même classification,

    -      et sans changement du lieu de travail.

    Les 5 critères ci-dessus sont cumulatifs.

  • Proposition d’un CDI à l’issue d’une mission d’intérim

    Lorsqu’à l’issue d’une mission d’intérim une entreprise utilisatrice propose un CDI au salarié, celle-ci doit lui notifier cette proposition par écrit.

    Cette obligation concerne uniquement les propositions portant sur le même emploi ou un emploi similaire, et sans changement du lieu de travail (critères cumulatifs).

  • Obligation de l’employeur ou de l’entreprise utilisatrice en cas de refus du salarié

    L’employeur (ou l’entreprise utilisatrice) en informe Pôle emploi en justifiant du caractère similaire de l’emploi proposé.

    Un décret en Conseil d’État fixera les modalités d’application de cette obligation.

  • Conséquences pour le salarié

Si le salarié refuse à 2 reprises au cours des 12 mois précédents, un CDI tel que proposé dans les conditions décrites ci-dessus, celui-ci perd le droit au bénéfice de l’allocation chômage.

Cette exclusion de l’indemnisation chômage ne s’applique pas :

-      Si le salarié a été employé en CDI au cours de cette même période et qu’il en a été involontairement privé.

-      Lorsque la dernière proposition adressée au demandeur d’emploi n’est pas conforme aux critères prévus par le projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE), si  ce projet a été élaboré antérieurement à la date du dernier refus pris en compte.

La date d’entrée en vigueur de cette nouveauté sera fixée par décret.

 

Droit de vote aux élections du CSE

Pour rappel, dans une décision datant du 19 novembre 2021, le conseil constitutionnel a remis en cause la jurisprudence de la Cour de cassation qui interdisait aux salariés susceptibles d'être assimilés à l'employeur de voter à l'élection des membres du Comité Social et Economique (CSE). Cette décision a pris effet le 31 octobre 2022.

Apport de la loi marché du travail :

-      Critères d’électorat : la loi ajoute, parmi les électeurs, les salariés ayant une délégation particulière d’autorité ou qui représentent effectivement l’employeur au CSE, en précisant que « sont électeurs l’ensemble des salariés âgés de seize ans révolus, travaillant depuis trois mois au moins dans l’entreprise et n’ayant fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à leurs droits civiques ». Cette nouveauté s’applique rétroactivement depuis le 31 octobre 2022.

-      Critères d’éligibilité : A l’inverse, elle exclut explicitement des personnes éligibles les salariés qui disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise ou qui le représentent effectivement devant le Comité Social et Economique.

 

La validation des acquis de l’expérience (VAE)

Pour rappel, il s’agit d’un dispositif permettant l’acquisition d’une certification professionnelle enregistrée dans le répertoire national des certifications professionnelles (RNCP).

La loi marché du travail a prévu de réformer ce dispositif qui est trop peu utilisé :

-      Eligibilité à la VAE : la loi prévoit que la VAE est désormais ouverte à « toute personne » (alors que jusque-là elle s’adressait à « toute personne engagée dans la vie active »).

-      Certification visée : jusque-là le code du travail prévoyait que la VAE avait pour objet l’acquisition d’une certification professionnelle enregistrée au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). La loi marché du travail modifie ce point en prévoyant que la VAE pourra permettre d’acquérir également un bloc de compétences d’une certification.

-      Congé de VAE : Lorsqu'un salarié fait valider les acquis de son expérience en tout ou partie pendant le temps de travail et à son initiative, il peut bénéficier d'un congé à cet effet, sur autorisation de son employeur. Jusque-là il était de 24 heures par session de validation. La loi marché du travail le passe à 48 heures par session de validation (durée qui pourra être augmentée par accord collectif sans critère particulier).

Un décret d’application viendra préciser les dispositions de la loi à ce sujet.

 

L’expérimentation du contrat multi-remplacement (CDD et intérim).

Pour rappel, la loi Avenir professionnel de septembre 2018 avait autorisé, dans des secteurs limitativement énumérés, le remplacement de plusieurs salariés au moyen d'un seul CDD ou d'un seul contrat d'intérim. Cette expérimentation était prévue du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2020.

 

Secteurs concernés lors de la première expérimentation : Secteur sanitaire, social et médico-social, propreté et nettoyage, économie sociale et solidaire, tourisme en zone de montagne, commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, plasturgie, restauration collective, sport et équipements de loisirs, transport routier et activités auxiliaires, industries alimentaires et services à la personne

 

La loi marché du travail a prévu de réitérer cette expérimentation pour 2 ans (toujours dans certains secteurs d’activité). Un décret fixera les secteurs concernés et la date d’entrée en vigueur.

 

 

Projet de loi visant à adapter le droit national à plusieurs directives européennes

Le projet de loi visant à adapter le droit national à plusieurs directives européennes, dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture, a pour objet notamment de transposer six directives et de mettre en œuvre six règlements européens.

Le projet de loi a été adopté en première lecture au Sénat le 13 décembre 2022. Il sera examiné à l’Assemblée Nationale à partir du 24 janvier 2023.

Il contient des dispositions relatives aux sujets suivants :

      La période d’essai.

      L’information sur les éléments essentiels de la relation de travail.

      L’information sur les postes à pourvoir dans l’entreprise pour les salariés en CDD.

      Le congé paternité, le congé parental d’éducation et celui de présence parentale.

 

La période d’essai

Pour rappel, depuis 2008, la durée de la période d’essai fixée dans le code du travail dépend de la catégorie du salarié :

-      Pour les ouvriers et les employés : 2 mois.

-      Pour les agents de maîtrise et les techniciens : 3 mois.

-      Pour les cadres : 4 mois.

Le code du travail prévoit que les durées ci-dessus s’imposent aux employeurs mais que, par exception, des durées plus longues peuvent s’appliquer si elles sont prévues par un accord de branche conclu avant le 26 juin 2008.

 

Contenu du projet de loi : celui-ci prévoit de supprimer cette dérogation. Si le texte est adopté, il ne serait donc plus possible d’appliquer des durées de périodes d’essai plus longues que celles prévues par le code du travail.

Cette mesure entrerait en vigueur 6 mois après la promulgation de la loi.

 

L’information sur les éléments essentiels de la relation de travail.

L’employeur aura l’obligation de remettre au salarié un ou plusieurs documents établis par écrit précisant les informations principales relatives à la relation de travail.

Un décret en Conseil d’État précisera la liste des informations devant figurer dans le ou les documents.

Précision : cette obligation ne s’appliquera ni aux particuliers employeurs utilisant le CESU, ni aux employeurs passant par le GUSO (intermittents du spectacle).

  • Quid si l’employeur ne remet pas ces documents ?

    Le salarié qui n’aura pas reçu ces documents ou aura reçu des documents incomplets devra mettre en demeure l’employeur de les lui fournir (ou de les compléter).

    Si l’employeur ne s’exécute pas, le salarié pourra saisir le conseil de prud’hommes pour les obtenir.

  • Quid des salariés déjà en poste ?

Les salariés dont le contrat de travail sera en cours à la date de promulgation de la loi pourront demander à leur employeur de leur fournir ou de compléter ces informations, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.

 

L’information sur les postes à pourvoir dans l’entreprise pour les salariés en CDD

Pour rappel, lorsqu’une entreprise emploie un salarié en CDD, le code du travail lui impose de l’informer de la liste des postes à pourvoir dans l'entreprise en CDI, lorsqu'un tel dispositif d'information existe déjà pour les salariés bénéficiant d’un CDI.

Contenu du projet de loi : L’obligation disparaît. A la place il est prévu que ce soit le salarié en CDD qui demande à l’employeur de l’informer des postes en CDI à pourvoir au sein de l’entreprise. Cette possibilité ne sera ouverte qu’aux salariés en CDD justifiant d’une ancienneté d’au moins 6 mois continu dans l’entreprise.

Un décret devrait préciser les modalités de ces nouvelles dispositions.

 

Le congé paternité – Acquisition de l’ancienneté

Pour rappel, actuellement, lorsqu’un salarié s’absente à l’occasion d’un congé paternité, cette absence n’est en principe pas comptabilisée dans le calcul de l’ancienneté. Des dispositions conventionnelles ou des usages peuvent être plus favorables et permettre une acquisition de l’ancienneté pendant cette période.

Contenu du projet de loi : il prévoit d’assimiler le congé de paternité à une période de travail effectif pour la détermination des droits liés à l’ancienneté.

De plus le texte précise que le salarié conservera le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début du congé.

 

Congé paternité – Répartition de la participation

Pour rappel, la participation peut être répartie proportionnellement au temps de présence dans l’entreprise ou de la rémunération.

En cas de répartition de la participation en fonction du temps de présence du salarié, certaines absences sont assimilées à une période de présence dans l’entreprise. C’est le cas, notamment des périodes de congé de maternité, congé d’adoption et congé de deuil d’un enfant, des arrêts de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle, des périodes de mise en quarantaine liées à un état d’urgence sanitaire.

Contenu du projet de loi : il prévoit d’assimiler le congé de paternité à une période de présence dans l’entreprise pour la répartition de la réserve spéciale de participation.

Précision : Pour l’instant aucun texte n’assimile la période de congé de paternité à une période rémunérée pour la répartition de la participation en fonction de la rémunération.

 

Congé paternité – Répartition de l’intéressement

Pour rappel, l’intéressement peut être réparti proportionnellement au temps de présence dans l’entreprise ou de la rémunération.

En cas de répartition de l’intéressement en fonction du temps de présence du salarié, certaines absences sont assimilées à une période de présence dans l’entreprise. Depuis la loi Pouvoir d’achat, le congé de paternité est assimilé à une période de présence en cas de répartition de l’intéressement en fonction de la durée de présence dans l’entreprise.

En ce qui concerne la répartition de l’intéressement proportionnellement aux salaires, un projet de décret d’application du volet « épargne salariale » de la loi Pouvoir d’achat prévoit d’assimiler la période de congé paternité à une période de travail rémunérée.

 

Congé parental d’éducation – Salariés bénéficiaires

Pour rappel, actuellement, pour bénéficier du congé parental d’éducation, le salarié doit avoir au moins un an d’ancienneté à la date de naissance de son enfant ou de son adoption.

Contenu du projet de loi : Le projet de loi supprime l’appréciation de l’ancienneté à la date de naissance de l’enfant ou de son adoption. Si le texte est promulgué, le congé parental sera donc ouvert aux salariés dès lors qu’ils auront un an d’ancienneté.

 

Congé parental d’éducation – Acquisition de l’ancienneté


Pour rappel, actuellement, la durée du congé parental d'éducation est prise en compte pour 50 % pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté.

Contenu du projet de loi : il réécrit L1225-54 du code du travail en précisant que cette règle concerne effectivement le congé parental total. Il sera aussi précisé qu’en cas de congé parental à temps partiel, l’acquisition de l’ancienneté sera entière (comme n’importe quel salarié à temps partiel).

 

Congé parental d’éducation et Congé de présence parentale – Avantages acquis avant le début du congé

Le projet de loi prévoit que le salarié conservera le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début du congé.

Marie-Clotilde Lefebvre
Veille légale – Juriste en droit social chez Sopra HR
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